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Le mot du parrain

Philippe Cavalier

Il est des invitations qui se reçoivent comme des appels à quitter un instant sa solitude d’auteur pour entrer dans le moment joyeux du partage.

Parrainer aujourd’hui la deuxième édition du festival Faërix consacré aux littératures de l’imaginaire est un honneur, bien sûr, mais c’est éprouver surtout la grande joie de côtoyer de véritables amis dont je sais qu’ils trouvent en la fiction bien davantage qu’une simple distraction : une manière très particulière d’habiter le monde en curieux et en complices.

Longtemps, en France cartésienne et positiviste, on a prétendu reléguer les écrits fantastiques ou d’anticipation aux grands lointains des incongrus et des horizons inutiles. Les condamner ainsi à l’insignifiance était commettre une double erreur.

Erreur, d’abord, de négliger un extraordinaire patrimoine culturel fait de contes populaires et de légendes qui, de Chrétien de Troyes à Rabelais et de Perrault à madame d’Aulnoy, a nourri des œuvres aussi riches que celles de George Sand, Alexandre Dumas, Jules Verne, Gaston Leroux et tant d’autres parmi nos meilleurs auteurs.

Erreur, surtout, de supposer que l’imaginaire n’est qu’une scorie de l’intellect. Bien sûr, il n’en est rien et nous savons aujourd’hui que l’esprit déraisonne puis meurt sitôt que songes et récits n’irriguent plus sa sensibilité. L’exercice de l’imaginaire est donc une fonction aussi vitale que les nécessités physiologiques essentielles.

Ce qui vaut pour les individus vaut pour les sociétés. La science-fiction, le fantastique, l’horreur, l’épique ou l’uchronie fertilisent et structurent fortement nos représentations collectives. Loin de refuser la réalité, ils la travaillent et l’interrogent au contraire depuis le promontoire de ses cauchemars, de ses promesses, de ses tragédies et de ses errements.

Parce qu’elles osent les monstres et les miracles, les héros, les dieux, les anarchies et les utopies, ces littératures des marges parcourent des territoires que s’interdisent le réalisme et le factuel.

Questionnant nos rêves mais aussi nos machines, nos corps et nos identités mouvantes, elles ont beau mettre en scène chevaliers, vampires, explorateurs ou sorciers, elles disent les permanences humaines aussi bien que les vérités de notre époque avec une pertinence et une liberté que nombre de discours plus policés leur envient.

C’est ainsi pour moi l’élégance suprême de ces littératures de l’imaginaire que d’inviter au fond à philosopher autant qu’à se divertir et à s’interroger aussi bien qu’à rêver.

Faite d’analogies, de symbolismes, de paradoxes et toujours de grande poésie, c’est la voie qu’elles tracent que vous propose de parcourir le festival Faërix.

Aussi différentes soient-elles dans leur expression, les œuvres des auteurs et illustrateurs présents ouvrent des portes vers des territoires mystérieux où les mots ont tout pouvoir et où la pensée fréquente l’impossible. Exaltant à sa manière le courage, l’opiniâtreté, la fidélité à ses idéaux, la découverte et, par-dessus tout, la rare capacité d’émerveillement, chacune d’entre elles est un précieux remède aux adversités, aux tentations de renoncement et aux brutalités du temps. En toutes, selon les élans de votre coeur, vous trouverez j’en suis sûr force, espérance et beauté.

Vous l’avez compris : aux côtés des organisateurs et de mes pairs en écriture, c’est donc plus qu’à un simple moment de fête et de rencontres que je vous convie : c’est à un compagnonnage aventureux, à une traversée des mondes enchantés et même -qui sait ?- sur les traces des questeurs d’absolu et des soupirants du sublime, au commencement d’une authentique initiation…

Excellent festival à tous !

Philippe Cavalier